Les Black Blocs
I - Les Black Blocs par eux-mêmes
COMMUNIQUE AU SUJET DES TACTIQUES ET DE L’ORGANISATION
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Véritable petit manuel de combat publié une première fois en décembre 2000, ce Communiqué au sujet des tactiques et de l’organisation est au Black Bloc - en plus modeste bien sûr - ce que sont à une armée d’État les ouvrages L’Art de la guerre de Sun Tzu et De la guerre de Carl von Clausewitz. Les auteurs du communiqué n’hésitent pas à voir grand, puisque leurs conseils organisationnels et tactiques sont pensés en fonction de Blacks Blocs de plusieurs centaines, voire de mille ou même deux milles participants. Le Communiqué discute des opérations de reconnaissance du terrain où se déroulera l’action, des communications, de la mise sur pied et de l’utilisation de forces de réserve, des rapports avec les média, de l’entraînement physique entre les actions, de l’importance d’une sorte d’unité de commandement - « le noyau de facilitation tactique » - dont les membres sont élus et révocables en tout temps, pour préserver l’esprit anarchiste de l’organisation. Cette idée sera ouvertement critiquée par des membres du groupe anarchiste Black Star North, qui voient là une tentative « de reproduire des structures hiérarchiques et militaristes au sein des Black Blocs [1] ». Les auteurs du Communiqué admettent adopter un « ton militariste », mais ils précisent qu’il ne faut pas voir là une invitation à introduire des structures hiérarchiques d’autorité au sein d’un Black Bloc. En juillet 2001, ils proposent d’ailleurs une nouvelle version légèrement modifiée - reproduite ici - suite à des discussions entre des membres du mouvement Anti-Racist Action (ARA) et d’autres du Green Mountain Anarchist Collective qui signaient la première version. Dans cette seconde mouture, ils tentent de préciser leurs propositions tactiques. Très combatif, le texte fait la promotion de manœuvres sophistiquées adaptées au combat de rue contre les forces de l’État et justifie les frappes contre les symboles de l’État et du capitalisme. Toutefois, les expériences passées d’infiltration policière et certaines confusions quant à l’arrimage des Black Blocs du Québec et ceux de la Cote Est des États-Unis dans le cadre des manifestations contre le Sommet des Amériques laissent penser que cette réflexion tactique restera sans doute lettre morte : il est peu probable que des Black Blocs de plusieurs milliers de participants, s’il s’en forme, parviennent à mettre en pratique de telles tactiques. Mais ce texte demeure tout de même exemplaire d’un esprit anarchiste cherchant à s’incarner dans des pratiques politiques et de modes d’action qui, à défaut d’avoir l’ampleur voulue, reste néanmoins adoptés lors des manifestations contre la mondialisation du capitalisme des récentes années. La conclusion du communiqué, le style même, devient presque apocalyptique et messianique : face à un processus inéluctable de répression étatique toujours plus implacable, les militants devront passer à la clandestinité d’où ils lanceront une attaque contre l’État. Cette offensive ne pourra aboutir, selon les auteurs, qu’à une véritable « révolution sociale ».
(FDD)
COMMUNIQUE AU SUJET DES TACTIQUES ET DE L’ORGANISATION [2]
Au Black Bloc, de l’intérieur du Black Bloc
seconde version [3]
juillet 2001 - de quelque part dans le Mid-West
Avertissement : les propos contenus dans ce document s’appliquent spécifiquement aux particularités du mouvement anarchiste en Amérique du Nord. L’analyse et les propositions tactiques contenues dans ce document ne sauraient conserver toute leur pertinence si elles sont appliquées sans avoir été adaptées au préalable de façon substantielle à des situations particulières de lutte en d’autres régions.
Remarques préliminaires à la seconde version
La présente version est le résultat de très longues discussions entre des membres d’ARA et du G-MAC [4]. À la lumière de ces débats, un consensus a été atteint au sujet de certains principes d’organisation révolutionnaire. Des changements importants ont été apportés aux sections portant sur l’utilisation des groupes de réserve, les groupes d’affinité, le noyau de facilitation tactique et d’autres changements d’ordre mineur ont été effectués dans toutes les autres sections. Nous croyons que ces changements renforcent la teneur de nos propositions. Nous sommes prêts, bien sûr, à poursuivre la discussion et à apporter d’autres modifications s’il y a lieu.
En guise d’introduction
Le document qui suit est présenté dans l’intention d’accroître l’efficacité de base de notre mouvement en proposant diverses pratiques tactiques qui, nous l’espérons, seront adoptées par le Black Bloc dans son ensemble. Ce travail est inspiré par notre admiration sans faille envers la capacité et le potentiel créatifs de l’humanité et par notre dévouement sans réserve à la révolution sociale. Certains passages de ce texte sont empreints d’un ton militariste qui ne devrait pas être interprété comme justifiant par la bande des modèles d’organisation arbitraires et hiérarchiques. C’est plutôt la réalité de notre lutte militante qui rend nécessaire le recours à ce type de langage, afin de présenter notre situation et les méthodes que nous devons utiliser pour nous approcher de la victoire de façon objective et le plus précisément possible. Il faut souligner ici que nous ne défendrons jamais la promotion de modèles organisationnels dont l’essence serait incompatible avec ceux adoptés de façon démocratique par les anarchistes et les travailleurs et travailleuses révolutionnaires lors de la Commune de Paris (1871) et de la Guerre civile espagnole (1936-1939). Pour mener à bien la rédaction de ce texte, nous avons réfléchi à nos propres expériences collectives et nous avons étudié l’histoire pour apprendre ce qui peut fonctionner ou non à l’intérieur d’un cadre anarchiste.
Notre intention est de vous présenter une analyse précise, quoique brève, de l’état actuel du mouvement ainsi que les étapes que nous (le Black Bloc) devons franchir afin de faire avancer la cause. Il faut préciser que les propositions qui suivent s’appliquent directement et uniquement au Black Bloc. Par conséquent, toute adaptation de propositions plus militantes (telles celles que l’on retrouve dans la section « Préparations en vue d’une répression accrue de l’État ») à l’ensemble du mouvement anarchiste entraînerait un affaiblissement des efforts si importants accomplis pour structurer la communauté de base. Nous considérons ces efforts comme essentiels pour la cause en général, puisque c’est grâce à eux que nous pouvons gagner consciemment la vaste population à la gauche anarchiste. Notre lutte doit être menée sur tous les fronts.
Finalement, nous vous encourageons à lire ce document et à en discuter au sein de votre collectif et/ou avec d’autres personnes au sein de la communauté Black Bloc anarchiste. Nous espérons que de tels groupes et les personnes intéressées qui sont liées au Black Bloc signeront leurs noms (pas nécessairement leurs vrais noms) au bas de ce document et mettront en pratique les propositions tactiques présentées ci-dessous. Dans l’éventualité probable où ce document est en partie inacceptable pour votre groupe de lutte, nous espérons que ces éléments de désaccord seront discutés, débattus et amendés comme il se doit afin que le Black Bloc atteigne un consensus. Nous demandons ici que les divers journaux et périodiques anarchistes ouvrent leur section de « courrier des lecteurs et lectrices » à cette fin.
LADY, AUGUST SPIES, MUFFIN, D’ACTION ANTI-RACISTE ET DAVID O. (O VAN), X, NATASHA DU COLLECTIF ANARCHISTE DE GREEN MOUNTAIN
Notre mouvement grandit
Au cours de la dernière année et demie (depuis la bataille de Seattle) [5], nous avons assisté et nous avons participé à la maturation d’un vaste mouvement social de protestation ainsi que d’un mouvement révolutionnaire anarchiste, certes plus restreint mais tout de même en expansion.
Huit raisons fondamentales expliquent ce phénomène :
1. La sensation de vide se dégageant d’une pseudo-réalité transformée en marchandise par un néocapitalisme exacerbé aux conséquences inexorables : l’aliénation de masse, l’anxiété et l’Ennui.
2. L’échec continu du système actuel à enrayer la dégradation matérielle (la pauvreté) au sein de certains secteurs de la classe des travailleurs et des travailleuses et des pauvres.
3. La riposte populaire et le réveil des syndicats généralement assoupis face à la tentative avérée de la part des puissances dirigeantes du néocapitalisme d’homogénéiser l’économie et la culture mondiales par l’entremise d’organisations élitistes et centralisées telles que la Banque mondiale, le Fonds monétaire international et l’Organisation mondiale du commerce.
4. La réconciliation de contre-cultures jusqu’alors divisées (le « punk » urbain, le « hippy » rural, etc.) permet de s’appuyer sur une base pour diffuser les changements qui surviennent dans la conscience sociale populaire.
5. L’accroissement des moyens de communication au sein de la population a eu pour conséquences de permettre des améliorations organisationnelles et une mobilisation plus efficace auprès des mouvements sociaux contestataires en général et anarchistes révolutionnaires en particulier.
6. L’expérience acquise par les organisations au cours de la dernière décennie a grandement accru la capacité pratique du mouvement dans son ensemble.
7. La génération des enfants des années 1960 et 1970 a maintenant atteint sa pleine maturité. Ceci est un facteur qui ne doit pas être sous-estimé alors que nous voulons construire - et continuer à détruire - à partir de l’endroit même où nos mères et nos pères abandonnèrent la partie.
Et enfin :
8. La répression policière subie aux États-Unis et au Canada au cours de cette dernière année a eu pour effet de radicaliser d’un océan à l’autre et vice-versa des dizaines de milliers de manifestants jusqu’alors sociaux-démocrates.
L’anarchisme et le mouvement dans son ensemble
Alors que le mouvement dans son ensemble a réussi a développer la conscience politique et a obtenir quelques victoires concrètes importantes, tout reste encore trop indécis et malléable pour accorder une confiance aveugle à ses factions les plus visibles (telles qu’elles s’incarnent dans le Réseau d’Action Directe [Direct Action Network]).
En tant qu’anarchistes révolutionnaires, nous devons continuer à détourner le mouvement de ses tendances inconscientes vers l’abstraction spectaculaire et l’abdication social-démocrate tout en y encourageant et en y appuyant les tendances en faveur d’une démocratie participative et directe. Nous devons continuer à agir de la sorte par la diffusion de la théorie anarchiste révolutionnaire et par l’exemple DIRECT, à la fois dans les rues, dans les efforts d’organisation communautaires et dans nos styles de vie. Ceci doit continuer à être la priorité dans les manifestations aussi bien qu’au sein de nos différentes communautés locales.
Tout en procédant de la sorte, nous devons être attentifs à ne pas limiter nos liens dialectiques au mouvement lui-même. En bref, nous devons continuer à solliciter les masses qui n’y sont pas encore intégrées, puisque c’est seulement à travers leur participation directe que le système d’oppression actuel se désintégrera à tout jamais et disparaîtra dans la poubelle de l’histoire.
Le développement du mouvement
Pour toutes les raisons mentionnées, l’année et demie qui vient de s’écouler peut être considérée comme une étape de transition vers la résurgence progressive du mouvement anarchiste révolutionnaire en dépit de certains revers douloureux, tels la disparition de l’organisation Love & Rage ainsi que celle du Fire Cracker Info Shop du Massachusetts. Nous avons pu avancer de deux pas à chaque fois que nous reculions d’un pas, grâce à la situation historique objective et à nos capacités concrètes nouvellement acquises. Cela dit, avant de devenir prétentieux, il faut admettre que nous avons beaucoup, beaucoup d’étapes dangereuses à franchir avant d’atteindre le dénouement de cette épopée.
Nos communautés locales
C’est dans nos communautés spécifiques que nous (Black Bloc et anarchistes en général) pouvons faire progresser le mouvement anarchiste révolutionnaire par une organisation communautaire diligente et utile au sein des affranchis. Pour cela, nous devons fonder des coopératives de travailleurs et travailleuses, des centres communautaires et des journaux. Chaque fois que c’est possible, nous devons également favoriser des créations artistiques anarchistes et des actions politiques directes. Lors de vastes manifestations, c’est par les actions de notre Black Bloc que nous aurons organisé que nous pouvons faire avancer notre mouvement.
Lors de manifestations
C’est en vertu de l’engagement inconditionnel du Bloc que les manifestations sociaux-démocrates sont transformées en performances insurrectionnelles. En nous défendant physiquement contre l’attaque de l’État (la police), nous ajoutons un élément important à un mouvement autrement plutôt timide. Par le fait de défendre des manifestants non-violents contre les assauts de la police (comme durant l’action du 16 avril à Washington, D.C.), nous démontrons le pouvoir extra-symbolique des individus tout en augmentant l’efficacité relative de l’action d’ensemble. En attaquant et en détruisant la propriété privée capitaliste (comme lors de la bataille de Seattle), nous allons au-delà de la rhétorique et nous infligeons dans les faits de vrais dommages matériels aux avant-postes urbains de l’empire oppresseur indésirable et totalement mercantile des nouveaux capitalistes. Par notre méthode, nous transformons l’indécision et la prudence en action VERITABLE.
Des pacifistes de la classe moyenne aisée déclarent que nous sommes dans le tort du fait même de nos principes qui s’incarnent dans l’action. Or, ils devraient se souvenir que le seul but légitime des manifestations de masse est de provoquer un changement social et révolutionnaire nécessaire pour le bénéfice de tous et de toutes. Le but n’est pas, et ne devrait jamais être, de se laisser arrêter et brutaliser au nom de quelque puérile affiliation à Gandhi ou à Martin Luther King Jr. De plus, nous devrions tous réfléchir au fait que l’Inde d’aujourd’hui est dévastée en raison de l’exploitation capitaliste soutenue et que les Noirs américains sont encore traités comme des citoyens de second rang aussi bien par l’appareil d’État que par la ploutocratie. Ces simulacres de justice ne pourront être totalement rectifiés que par un mouvement anarchiste révolutionnaire international authentique et victorieux ayant recours à la fois à des méthodes violentes et non-violentes.
C’est dans ce contexte particulier et très concret que nous luttons. Nous ne devrions pas et n’allons pas compromettre notre haine ou notre amour, car nous compromettrions alors notre objectif qui est d’atteindre l’anarchie, c’est-à-dire une révolution sociale complète qui incarne le rêve d’une humanité entière libérée des chaînes visibles et invisibles.
Nous n’offrons aucunes excuses.
De la nécessité d’améliorer nos capacités tactiques
Les forces de l’État (plus spécifiquement le Federal Bureau of Investigation [FBI] et la police) nous étudient depuis un certain temps. Il est donc absolument nécessaire que nous développions plus avant notre compréhension tactique et nos capacités pratiques dans les rues si nous voulons maintenir et même accroître nos capacités militantes.
À ce sujet, il y a quelques choix fondamentaux que nous devons faire pour relever ce défi :
1. Améliorer l’organisation de la force de combat de rues ;
2. Entraînement physique régulier entre les actions ;
3. Faciliter les attaques préventives ;
4. Préparation pour une intensification éventuelle de l’oppression étatique et pour une transformation du mouvement social de protestation en véritable révolution sociale ;
5. Développer la réflexion théorique et l’éducation sociale et politique à l’intérieur du mouvement et entre les actions.
Pour l’instant, la mobilisation de nos forces se fait de façon si improvisée que notre capacité à combattre les forces de l’État bien entraînées et disciplinées reste limitée. En fait, c’est uniquement grâce à notre dévouement révolutionnaire et à nos constitutions de fer que nous avons été capables de combattre ces forces avec les succès relatifs que nous avons obtenus jusqu’à présent. Nous nous battons par amour, par haine de l’oppression et simplement parce qu’il est juste d’agir ainsi. Les membres des forces de l’État combattent par haine de la diversité et de la libre expression, ainsi que pour toucher leur chèque de paie.
Néanmoins, les agents de l’État vont modifier leurs tactiques actuelles en fonction de leurs expériences sur le terrain et des volumineux rapports d’analyse produits à notre sujet suite à Seattle et à Québec. Il faut donc s’attendre à ce que les forces de l’État atteignent dans un proche avenir un nouveau palier de supériorité à notre égard. Il est par conséquent absolument nécessaire que nous commencions à nous réorganiser de manière à obtenir à nouveau certains avantages pour notre camp.
LA CAPACITE TACTIQUE ACCRUE DE LA FORCE DE COMBAT DE RUE
La mise sur pied d’un noyau élu de facilitation tactique
Nos expériences au cours des dix-huit derniers mois nous ont beaucoup appris au sujet du véritable potentiel du Black Bloc durant les manifestations de masse. A16 [6] a été la preuve de l’efficacité d’un grand Black Bloc allié à des groupes menant des actions directes non-violentes. À ce moment critique de l’histoire, nous avons pu constater que les tactiques combinées d’autodéfense du Black Block et de désobéissance civile de groupes non-violents ont permis d’occuper une grande partie du territoire urbain. J20 [7] a montré comment un Black Bloc compact et entouré de bannières défensives peut inspirer confiance aux manifestants et dissuader de façon efficace les policiers de mener des arrestations ciblées. A20 [8] a montré pour sa part comment un Black Bloc de taille relativement modeste (comme celui du samedi 21) peut se transformer en une importante force de combat lorsque la volonté physique et mentale est active. Cependant, nos expériences ont également permis de révéler certaines faiblesses que nous sommes loin de pouvoir surmonter pour l’instant. En particulier, l’absence d’une structure démocratique de commandement tactique a mis en péril notre capacité d’agir rapidement et de façon décisive. Dans certains cas, ce manque nous a plongé dans l’indécision, en particulier en ce qui a trait aux mouvements. Nous nous sommes retrouvés conséquemment dans des situations dangereuses et certains des nôtres ont ainsi été arrêtés (le lundi du A16). C’est pourquoi nous affirmons que nous devons mettre en place une véritable structure démocratique de commandement tactique qui augmente notre mobilité sans mettre en cause nos principes anarchistes.
C’est en ce sens que nous proposons que le rôle de porte-parole élu des groupes d’affinité soit étendu à celui d’Aviseur tactique (a-tacs). La fonction de cette personne consisterait à faciliter les actions concertées de sa section telles que recommandé par le noyau général de facilitation tactique (le n-tac, qui sera discuté plus loin). De plus, chaque groupe d’affinité devrait aussi élire un remplaçant au cas où le premier a-tac serait dans l’incapacité d’agir à la suite d’une blessure ou de son arrestation.
Tous les a-tacs élus devraient se réunir à huis clos après l’assemblée générale du Black Block où les plans d’action généraux pour la journée devraient avoir été discutés, débattus et adoptés par consensus (le secret est ici nécessaire pour des raisons de sécurité). Au cours de cette réunion des a-tacs, un noyau général de facilitation tactique (n-tac) devrait être élu, à nouveau par consensus. Les membres de ce n-tac devraient agir de façon telle à faciliter les mouvements du Black Bloc en conformité au plan d’action général établi à l’assemblée publique précédente. Suite à la réunion à huis clos, l’identité des membres du n-tac sera dévoilée discrètement par les porte-parole élus (a-tacs) des groupes d’affinité à tous les membres de confiance. Tous les groupes d’affinité dont l’a-tac a été élu au noyau général de facilitation tactique devrait élire un nouveau a-tac pour le remplacer.
Dans les cas où il y a un grand Bloc dans une manifestation de masse, les groupes d’affinité devraient être responsables de positions spécifiques au sein du Bloc, en particulier à l’avant, à l’arrière et sur les côtés (ceci devrait être décidé à l’assemblée générale). Ceci amènera la formation de quatre brigades périphériques principales (voir plus loin pour la discussion sur l’utilisation des brigades). Dans ce cas, il devrait y avoir 12 n-tacs élus. Ces personnes devraient provenir des brigades périphériques dont elles assumeraient la responsabilité (voir plus loin). Les 12 n-tacs devraient être divisés en quatre groupes de trois membres qui devraient se répartir les positions suivantes :
1. Une personne dans la brigade périphérique dont elle est responsable (à l’avant, à l’arrière, à gauche ou à droite du Bloc) ;
2. Une personne près du centre du Bloc, avec les représentants des autres brigades périphériques ;
3. Une personne qui servira d’agent de liaison entre le n-tac du centre et la brigade périphèrique.
En général, toutes les décisions importantes - et en particulier celles concernant les mouvements - devraient être prises par consensus au sein du n-tac du milieu. Pour se faire, il devrait s’appuyer sur les informations fournies par les brigades périphériques et par des informateurs fiables en provenance des unités de reconnaissance.
Pour qu’ils soient en mesure d’agir efficacement et en toute sécurité, ces n-tacs devraient également être accompagnés de personnes leur étant spécifiquement affectées. C’est ainsi que les n-tacs en position dans les brigades périphériques devraient être assistées de deux personnes de leur groupe d’affinité ou non. L’une sera chargée de maintenir la liaison radio avec les équipes de reconnaissance et/ou les autres groupes. La deuxième personne doit être responsable de la sécurité du n-tacs. On doit être conscient du fait que ces personnes seront facilement identifiées par les forces de l’ordre et qu’elles sont susceptibles d’être ciblées et arrêtées. De même, le noyau central des n-tacs doit être assisté d’un certain nombre de personnes avec des radios et d’autres qui assurent la sécurité.
Également, au fur et à mesure que l’action se déroule, il faut interchanger le rôle des membres du n-tac, qu’ils agissent en tant qu’agents de liaison ou qu’ils soient positionnés en périphérie ou au milieu. Cette permutation des rôles permet d’éviter le penchant psychologique à l’autoritarisme qui risque de se développer au sein du noyau central des n-tacs. Il faut rappeler que le rôle de ces personnes consiste principalement à s’occuper des mouvements du Bloc (quelle route emprunter, de quel côté se diriger à un carrefour). En aucun cas elles ne doivent jouer le rôle de généraux ou de leaders.
Il est important ici d’insister sur plusieurs choses. Premièrement, nous ne préconisons pas la création d’une clique permanente d’officiers. Ces postes électifs ne doivent exister que le temps de l’action. Si cette dernière dure plus d’une journée, il serait alors souhaitable d’élire chaque jours d’autres a-tacs et n-tacs. De plus, tous les postes d’a-tac ou de n-tac doivent être révocables en tout temps par l’ensemble du Bloc. Enfin, l’influence que les a-tacs et n-tacs exerceront ne devrait pas dépasser celle qui est liée à la fonction de facilitateur du plan général adopté à l’assemblée générale du Black Bloc. Toute tentative de dépasser ce mandat devrait être une raison suffisante de révocation. Et il est évident, bien sûr, que nous ne préconisons pas la formalisation d’un modèle hiérarchique militaire. Il doit être parfaitement clair que l’ensemble de ceux et celles qui participent à un Bloc se réservent le droit de désobéir à n’importe quel ordre des tacs et même de déserter. C’est ainsi que l’adoption d’une telle structure restera conforme aux principes anarchistes d’organisation. Les milices anarchistes ont reconnu la nécessité de ce genre de structure durant la Guerre civile d’Espagne et nous devrions faire de même.
Les groupes d’affinité individuels
Les groupes d’affinité (GA), généralement composés de 3 à 10 personnes, devraient s’organiser de telle façon qu’ils puissent atteindre leurs objectifs lors de l’action en cours. Déterminer l’objectif d’un GA en fonction de l’objectif général permet de mettre sur pied des GA spécialisés.
On suggère qu’il y ait, à l’intérieur de ces GA, une personne munie d’une trousse de premiers soins, même rudimentaire (de la solution saline, du vinaigre, des pelures de citron, de l’eau, des médicaments de secours). Il serait de plus utile que chaque membre du Black Bloc suive un cours élémentaire de premiers soins, ou qu’il ait une connaissance général des pratiques d’aide médicale liées aux manifestations. De la même façon que l’entraînement physique, la connaissance des premiers soins augmentera notre capacité générale de combat.
Il doit être décidé si les GA devraient utiliser une radion et/ou un téléphone cellulaire durant l’action. L’usage de ces outils de communication peut-être utile pour certains GA, mais il est inutile de s’encombrer d’un tel matériel si cela n’est pas nécessaire. La communication peut être perdue, par ailleurs, lorsque l’opérateur manque d’entraînement ou par le brouillage des canaux. Une augmentation de postes de radio ne sera jamais la solution à un manque d’organisation ou d’information ; mais le positionnement et l’utilisation stratégiques du matériel de communication nous permettra toujours d’être plus efficaces. Les rôles des autres personnes dans le GA, en dehors de ceux déjà mentionnés d’infirmier et d’opérateur de radio et/ou de téléphone cellulaire, dépendent du genre et de la fonction du groupe. Les GA doivent en décider eux-mêmes.
Les GA spécialisés comprennent - entre autres - les brigades de ligne de front (défensives), les brigades offensives, les patrouilles de reconnaissance, les brigades anti-propriété, les unités de premiers soins, les brigades de soutien, les groupes d’animation sonore, les brigades de frappes préventives.
Un GA de ligne de front devrait avoir des boucliers et/ou d’autres pièces lourdes d’armure pour être en mesure de former et tenir la ligne de front. Ils pourront demander d’autres porteurs de boucliers à l’intérieur du Bloc en vue de former une solide ligne de défense. Ce GA constituera un point de ralliement pour assurer la position au Bloc. Il ne fera pas partie d’une ligne d’attaque, mais tiendra une position pouvant servir de lieu de repli si l’attaque tourne mal. De plus, ce groupe est bien placé pour surveiller la construction des barricades.
Un GA offensif doit être très mobile et enthousiaste. Les membres de ce type de GA doivent être préparés à la confrontation. Les GA offensifs doivent être également prêts à remplir des besoins tactiques particuliers et si notre présentation de ce groupe s’arrête là, c’est que nous encourageons la créativité.
Un GA de reconnaissance opère à l’extérieur du Bloc, récoltant de l’information. Il reste constamment en communication avec le Bloc principal, le tenant informé des mouvements des forces policières et de leur nombre. Lorsque des faiblesses chez l’adversaire sont détectées, le GA doit en informer le Bloc pour lui signaler les opportunités d’offensive.
Le Bloc devrait avoir son GA d’infirmiers volontaires. Pour une protection idéale, les unités de soins devraient se partager de façon à couvrir tous les côtés de l’ensemble du Bloc. Qu’un Black Bloc ait sa propre unité d’infirmiers volontaires ne signifie pas qu’ils ne porteront secours qu’aux membres du Black Bloc, mais qu’ils se déplaceront avec le Bloc.
Les GA anti-propriété existent également dans notre mouvement. Les rôles joués par ses membres ne doivent pas être dévoilé à ceux qui n’en font pas partie. De même, les informations sur les GA se consacrant à des frappes préventives doivent être tenues secrètes. Toute fuite d’information sur leurs plans ou l’existence même de ces deux groupes ne fera que compromettre leur sécurité.
Il y a aussi plusieurs types de GA de soutien, dont la tâche de l’un d’entre eux consiste à intervenir dans les situations de panique. Il ne devrait pas y avoir plus de quelques GA de ce type pour chaque brigades périphériques (voir plus loin l’utilisation des brigades)
Il peut y avoir également un GA de ravitaillement et de communication responsable de l’apporvisionnement en nourriture et en eau et chargé de distribuer des communiqués aux personnes dans le voisinage et aux manifestants ne faisant pas partie des Black Blocs. L’eau pourra également servir à se nettoyer les yeux au besoin.
Un GA d’animation sonore permet de maintenir l’enthousiasme et la volonté d’agir lorsque la situation l’exige. La musique peut créer des poussées d’énergie et des vagues d’enthousiasme dans le Bloc, tout en envoyant un message de puissance à l’ennemi. La créativité est encouragée dans ce domaine : certains seront stimulés par le son de la cornemuse alors que d’autres seront motivés par des slogans radicaux et entraînants. On devrait continuer à utiliser - et toujours essayer d’améliorer - cette approche humaniste à travers la musique et les slogans. Ceci joue en notre faveur, car le temps n’est sûrement pas venu où l’État utilisera de telles tactiques chargées d’émotions.
Brigades
Un GA doit tenter de faire partie d’une brigade regroupant 5 à 10 GA différents. Chaque Brigade doit avoir son drapeau qui servira de point de ralliement. Ces drapeaux reconnaissables par leurs couleurs ou leurs motifs seront utilisés comme balises. Celles-ci doivent indiquer une position de repli, ou simplement servir de point de repère si quelqu’un s’écarte de son GA. Chaque brigade doit pouvoir fonctionner de façon autonome. Pour être en mesure de le faire, les GA doivent se préoccuper d’entrer en communication entre eux avant leur participation à l’action.
Les brigades se forment naturellement par des relations de confiance entre les individus et les groupes et doivent continuer à le faire ainsi. Cela étant dit, l’assemblée générale du Black Bloc devrait rester un lieu où il est possible d’établir des réseaux ; c’est là qu’on détermine quel genre de GA est nécessaire pour parachever les brigades offensives, défensive et de soutien, de façon à ce qu’elles soient fonctionnelles. Lorsque nécessaire et si elle est en mesure de le faire, une brigade établie à l’avance doit s’adjoindre certains GA spécialisés et incorporer un bon nombre de GA dans ses rangs. Plus les brigades seront équilibrées et autonomes et le mieux ce sera. Plus nombreux seront les GA liés à des brigades fonctionnelles et plus l’action entreprise sera efficace et sécuritaire.
Chaque brigade doit prendre en charge certaines fonctions du Black Bloc considéré dans son ensemble. Les principales options que peuvent choisir les brigades sont les suivantes : 1) Brigades périphériques, 2) Brigades d’appoint, 3) Brigades de réserve (voir plus loin dans la partie intitulée « réserves »). L’organisation de ces brigades et l’attribution de leurs fonctions doivent se faire à l’assemblée générale du Black Bloc, avant la réunion des porte-parole a-tac.
Le Black Bloc comme entité en mouvement doit être délimité par quatre brigades périphériques. L’une à l’avant, l’autre à l’arrière et les deux autres à droite et à gauche. Comme nous l’avons déjà dit, chacune de ces brigades doit arborer un drapeau qui servira de point de ralliement.
Ces brigades périphériques doivent s’assurer de former un périmètre de sécurité couvrant tous les côtés du Bloc. Chacune d’entre elles doit se sentir directement responsable de la position qu’elle occupe (avant, arrière, gauche, droite).
Il est également souhaitable que les membres des différents GA défensifs et offensifs de chaque brigade périphérique travaillent en étroite collaboration lorsque le besoin s’en fait sentir. Par exemple, si le Bloc trouve qu’il est nécessaire de se replier, toutes les personnes qui font partie de la brigade périphérique concernée ainsi que toutes les autres qui disposent d’équipement défensif (comme des boucliers) doivent maintenir leur position à l’arrière et faire face à l’ennemi pour couvrir la retraite contre les balles de plastique, les sacs de pois, etc. De même, durant des manoeuvres offensives, toutes les personnes munies d’équipement offensif devraient se placer à l’avant, ainsi qu’un petit nombre de personnes équipées de boucliers de façon à contrer l’effet des matraques ennemies. Lorsque c’est nécessaire, des renforts apportés par les autres brigades périphériques doivent être prêts à se jeter dans la mêlée. Cependant, cela ne doit être fait qu’en cas d’absolue nécessité car il est souhaitable de maintenir en tout temps un périmètre de sécurité tout autour du Bloc. Tout cela tombe sous le sens, bien sûr.
Les brigades d’appoint devraient prendre position dans les espaces laissés libres par les quatre brigades périphériques. Elles doivent agir de leur propre initiative tout en étant préparées à prêter main-forte aux brigades périphériques si celles-ci sont attaquées. L’une des tâche principale des brigades d’appoint devrait être l’attaque des lignes de défense de l’armée et de la police, quand cela s’avère souhaitable et/ou nécessaire.
Pour atteindre cet objectif, il peut être souhaitable d’appliquer des tactiques déjà utilisées par les Black Bloc allemands (entre autres). Le centre du Bloc peut ainsi être occupé par des formations en lignes droites (de droite à gauche), chaque ligne étant formée par un ou deux GA. Ainsi, des GA composant une brigade d’appoint devraient prendre consciemment position en rangées successives. Cette disposition en lignes renforce la sécurité intérieure et permet par ailleurs au Bloc de mener des offensives répétées et soutenues contre l’ennemi au moment jugé opportun.
Les brigades périphériques doivent accorder une liberté de mouvement aux brigades anti-propriété indépendantes, ou à celles rattachées à une brigade d’appoint, en les laissant sortir du Bloc ou y revenir.
L’organisation ou tout simplement la capacité de lancer de telles manoeuvres devrait souvent venir des n-tacs en collaboration avec les GA, car ce sont les n-tacs qui ont, en général, la meilleure vue d’ensemble du déroulement des opérations et de la situation du Bloc. Ce sont donc des manœuvres tactiques que les n-tacs devraient être prêts à faciliter de manière responsable.
En tout et partout, l’application du modèle des brigades décrit précédemment devrait avoir pour résultat de nous donner une plus grande ouverture tactique que nous n’avions auparavant. De plus, la mise en application de ces capacités tactiques devrait effrayer et démoraliser l’ennemi.
Reconnaissance et communication
Il est nécessaire que le Bloc possède un système sophistiqué de communication et de reconnaissance de combat. La reconnaissance devrait être effectuée par des individus en duo et/ou en groupes d’affinité, à vélo et dotés d’une radio et/ou d’un téléphone cellulaire. Le noyau de facilitation tactique devrait également disposer d’une radio et/ou d’un téléphone cellulaire. Lors de l’action, les équipes de reconnaissance devraient explorer toutes les rues que le Bloc pourrait emprunter et constamment se rapporter au noyau de facilitation tactique. De cette façon, la mobilisation du Bloc pourra être orchestrée par des décisions relativement éclairées et raisonnables.
D’autres éléments de reconnaissance devraient opérer dans des zones d’action qui ne sont pas dans le voisinage immédiat du Bloc, ceci de façon à garder le Bloc informé du déroulement général de la manifestation et à indiquer éventuellement aux membres du n-tac des points chauds où le présence du Bloc est requise.
Les groupes d’affinité individuels qui sont en possession de radios devraient être eux aussi tenus informés du canal sur lequel transiteront les communications de façon à ce que le Bloc dans son ensemble soit tenu informé de la situation générale. De même, les groupes d’affinité qui ne participent pas au Block Bloc mais qui pratiquent la désobéissance civile devraient savoir quel sera le canal radio utilisé et ils devraient connaître les numéros des téléphones cellulaires pour qu’ils puissent appeler le Bloc à la rescousse lorsque c’est nécessaire.
Comme cela fut évoqué plus haut, il est probable que les gens impliqués directement dans les opérations de reconnaissance proviennent de diverses brigades. Cela dit, il est préférable qu’un groupe d’affinité se présente à l’action déjà préparé pour agir en tant que cellule spécialisée pour les opérations de reconnaissance. Il serait souhaitable que ce groupe soit composé de résidants de la ville où se déroule l’action, puisque des individus sont plus efficaces lorsqu’ils patrouillent une zone urbaine qu’ils connaissent déjà. De plus, ceux et celles qui veulent s’occuper des communications doivent savoir se servir des radios. Les codes et les canaux qui seront utilisés ne doivent être discutés qu’avec les membres du Bloc qui ont une radio. On peut appliquer plusieurs tactiques différentes pour les communications. Chaque brigade doit arriver sur les lieux de l’action en ayant déterminé son mode de communication interne.
Réserves
Au cours de l’histoire, plusieurs batailles ont été remportées par le déploiement des troupes de réserve utilisées comme force tactique. Cette tactique s’est avérée efficace pour l’armée et la police américaines. L’utilisation de forces de réserve n’est pas une tactique couramment utilisée par le Black Bloc en Amérique du Nord. Il est important que nous envisagions d’utiliser cette tactique pour mieux combattre les fiers-à-bras de l’État.
L’État a toujours eu l’avantage sur nous quand il s’agit d’employer la force brute. Sa capacité à utiliser des forces de réserve en amenant des autobus pleins de troupes fraîches et lourdement équipées constituera toujours une menace pour nous. De notre côté, nous nous battons pendant des heures et des jours avec le même attirail, ne nous accordant aucun moment de répit ou presque. C’est pourquoi il est juste que nous étudions les tactiques employées par les forces de l’État et que nous adoptions celles qui nous paraissent efficaces tout en respectant nos principes anarchistes.
L’utilisation de forces de réserve peut inspirer le Black Bloc pour plusieurs raisons. L’une d’entre elles étant qu’une telle tactique a toujours porté fruit au cours de l’histoire. Essayez de plus d’imaginer l’effet psychologique que l’utilisation de tactiques sophistiquées peut avoir sur les troupes de l’État. Ceci étant dit, il ne faut pas en conclure que des forces de réserve doivent toujours être utilisées lorsqu’un Black Bloc participe à l’action, mais cette possibilité peut toujours être envisagées lors de l’assemblée générale du Bloc. La décision d’utiliser des forces de réserve devrait être prise à l’avance, avant même que l’action ne prenne place.
Quand il y a des forces de réserve, on peut les utiliser lorsque le Bloc est encerclé par la police. Dans ce cas, les brigades de réserve sont appelées pour prendre à revers les positions de la police, provoquant même coup l’encerclement de cette dernière. De plus, les brigades de réserve peuvent être utilisées pour garder une position qui pourra servir de point de repli pour le bloc. Envoyer des petits groupes de réserve peut être la solution idéale pour ajouter des forces pour enfoncer un barrage de police ou s’emparer d’une brigade.
L’armée américaine garde le tiers de ses forces en réserve. C’est la proportion idéale pour une troupe de combat qui veut opérer une percée à un moment crucial d’une bataille. En gardant cela à l’esprit, il serait souhaitable de garder 300 individus en réserve pour un Black Bloc de 1000 individus. De même, pour 2000 individus, il devrait y en avoir environ 600 en réserve. Par contre, on ne devrait pas garder de groupes de réserve pour un Black Bloc de moins de 1000 personnes. Avec un aussi petit nombre, les groupes mis en réserve ne feraient qu’affaiblir le Bloc alors qu’il a besoin de toutes les forces disponibles pour participer à l’action.
Il y a des débats à savoir quel est le meilleur moment pour utiliser des forces de réserve. Sachant cela, il est important d’examiner toutes les options possibles et d’en discuter. Il faut prendre en considération plusieurs facteurs, comme la configuration de la ville (les routes sont-elles larges ou étroites ?), le rapport de force entre le Bloc et la police et le déroulement de l’action (y a-t-il des grandes parties de la ville occupées par des manifestants non-violents ou la police et la garde nationale ont-elles le champ totalement libre ?). Ces questions doivent être débattues lors des assemblées générales du Bloc. La façon de mettre sur pied un groupe de réserve et les moyens de communication à employer devraient être discutés après l’élection de n-tacs à la réunion des porte-parole élus (les a-tacs). Suite à l’élection, ces informations peuvent être précisées à une réunion des n-tacs où seules les personnes directement concernées sont présentes.
Au cours de cette réunion, on devrait décider de l’emplacement des forces de réserves et des procédures de communication par radio et/ou téléphone cellulaire. Cette force de réserve doit maintenir le contact par radion et/ou téléphone cellulaire avec le Bloc en restant en liaison avec les n-tacs. La décision de faire appel aux réserves doit être laissée aux n-tacs. Notez que ceux-ci reçoivent les informations sur l’allure du combat et le besoin de forces de réserve des cellules du Bloc. La décision du n-tac d’appeler des réserves se prend lorsque des groupes à l’intérieur du grand Bloc demandent des renforts. Pouvoir compter sur cet appui est important, considérant les nombreux besoins des membres du Black Bloc participant à l’action.
Le déploiement des réserves (où et combien) doit être laissé à l’initiative des n-tacs. Les détails du déploiement , l’itinéraire à suivre, etc., doivent être laissés aux groupes concernés. Quand il devient important de prendre une décision rapidement, les a-tacs élus des groupes concernés doivent être prêts à faire des suggestions en connaissance de cause (suggestions que les personnes concernées sont libres d’accepter ou de refuser). La position exacte des forces de réserve ne doit pas être connue de tout le Bloc. Les membres du n-tac sont les seuls qui doivent la connaître. On suggère également de décider de cet emplacement à la dernière minute, lorsque les forces de réserve sont prètes à se mettre en place. Cette façon de procéder pourrait permettre d’éviter que l’information vienne aux oreilles de la police par les voies habituelles d’infiltration. Si cette information était connue, elle conduirait presque certainement à des arrestations de groupes isoléés par la police d’État.
Toutes les forces de réserve doivent être divisées en brigades d’environ 50 personnes chacunes et disposées stratégiquement autour de la zone où se déroule l’action. Des brigades de réserve de 50 individus sont souhaitables car ce nombre est assez petit pour préserver une grande mobilité et ne pas trop se faire remarquer (par la police) tout en étant suffisant pour représenter une bonne force de combat. Cette brigade est assez forte pour se frayer un chemin à travers les rangs de la police au besoin (une rangée de 24 de profondeur ou deux rangées de 12 de profondeur chacune), et de se regrouper par la suite au sein du Bloc. Diviser ces forces de réserve en petites unités plus maniables leur permet de répondre rapidement à l’appel. Cette façon de procéder évite l’étape de la division des réserves du Bloc et procure une plus grande sécurité dans l’éventualité où les emplacements occupés sont découverts par les forces de l’ordre (alors qu’il est possible que la position d’une brigade de réserve soit connue, il est peu probable que la police connaisse tous les emplacements).
Comme on l’a mentionné auparavant, il n’est pas nécessaire de rappeler toutes les brigades lorsqu’on a besoin de renfort. La division de ces forces de réserve en plus petites unités permet de faire appel seulement à celles qui sont les plus proches et à celles dont la présence est nécessaire, permettant ainsi une grande rapidité de manoeuvre.
Quand un nombre relativement important de membres des forces de réserve est appelé (trois brigades de 50 personnes, par exemple), elles peuvent converger vers le champ de bataille en provenance d’horizons différents. Cette tactique, quand elle est bien utilisée, peut jeter la confusion chez l’ennemi quant à sa perception de la situation de combat. Il est également possible que cette tactique, bien coordonnée, permette de prendre l’ennemi par le flanc et l’obliger à battre en retraite, voire même le mettre en déroute.
Lorsqu’elles sont inactives, les forces de réserve doivent rester à l’écart pour éviter les attaques éclair, mais sans trop s’éloigner de façon à ce que la police ne puisse pas les isoler avant qu’elles rejoignent le Bloc. Elles peuvent se trouver à une distance de quelques pâtés de maisons, mais de toute façon ceci doit être décidé par les brigades de réserve elles-mêmes, compte tenu des suggestions des n-tacs.
Identifier chaque brigade de réserve par une lettre peut être utile aux n-tacs pour mieux gérer les manœuvres des forces de réserves. Par exemple, les n-tacs savent que la brigade « B » se trouve sur le flanc droit du Bloc. Ces derniers peuvent alors faire appel à cette brigade (simplement en disant « brigade B ») sans avoir à faire de longs discours à la radio et\ou au téléphone cellulaire, donnant ainsi le moins d’information possible susceptible d’être utilisée par les forces de l’ordre. On peut également toujouts craindre la présence d’informateurs parmi nous et le mot « réserve » ne doit jamais être utilisé lorsque l’on communique en public.
Avant de rejoindre le Bloc, ces brigades doivent éviter de se battre, si ce n’est pour se dévendre ou si c’est inévitable. Faire usage de discrétion est vital. Il est souhaitable que les membres des brigades de réserve puissent se métamorphoser rapidement en membres « réguliers » du Bloc. L’accoutrement du Black Bloc doit être porté sous les habits « ordinaires ». Ceci permettra aux membres de la réserve de se fondre dans le Bloc et d’éviter d’être repérés par les hélicoptères de la police et les mouchards de l’État. Quand ils sont appelés en renfort par les n-tacs, les brigades de réserve doivent enlever leurs habits ordinaires pour laisser voir leurs vraies couleurs. Les habits ordinaires peuvent être abandonnés et jetés. Garder des habits de rechange pour plus tard relève d’une décision personnelle. Cependant vous ne devriez apporter avec vous que le strict nécessaire.
Pour que la force de réserve soit efficace, il faut absolument qu’elle puisse se déplacer rapidement. Sans cela, elle pourrait échouer dans sa tentative d’atteindre la scène de l’action et/ou être empêchée de joindre le reste du Bloc au moment où son arrivée pourrait faire basculer le rapport de forces en notre faveur. C’est ainsi que les forces de réserve devraient être organisées à la manière de l’infanterie légère. Elles ne devraient porter qu’un équipement de combat léger et réduit au minimum de manière à ne pas être ralenties. Ceci signifie qu’elles ne devraient pas avoir de sacs à dos, de masques à gaz, de casques, de boucliers, d’armures lourdes (gilets de sauvetage, protecteurs de pectoraux, plastrons de receveur de base-ball, etc.). Elles ne devraient avoir que des foulards imbibés de vinaigre et un minimum d’équipement offensif (aux individus et aux groupes d’affinité de juger de ce qui est nécessaire). Les infirmiers constituent la seule exception à cette règle : ils devraient transporter tout le matériel nécessaire. Pour des raisons évidentes de mobilité, ce serait bien que les membres affectés à la réserve soient équipés de bicyclettes. Celles-ci peuvent servir pour l’attaque et la défense et on doit pouvoir les abandonner. Quand on ne peut avoir des bicyclettes, il est impératif que les membres des GA composant les brigades de réserve soient en bonne condition physique. En effet, ils doivent être capables de courir sur une distance de 2 km puis s’engager dans la bataille. Il faut garder cela à l’esprit lorsque l’on forme les brigades de réserve.
Lorsque ces forces de réserve sauront utiliser correctement leur rapidité et leur force, il est à prévoir qu’elles parviendront à surprendre l’ennemi et à le démoraliser. Le simple fait d’effectuer ces manœuvres relativement sophistiquées devrait mener les troupes ennemies à mettre en doute leur sécurité personnelle et leur apparente supériorité tactique. De tels développements sur la scène de l’affrontement, de tels revirements concrets et psychologiques ne peuvent que produire par eux mêmes un changement du momentum en notre faveur. Bien sûr, ce développement positif ne peut être maintenu et ne le sera que si le Bloc assure rapidement sa cohésion face à une férocité et une brutalité policières croissantes dans le conflit où nous sommes engagés. Mais attention : la férocité et la brutalité policières seront d’autant plus intenses que les forces de l’État auront le sentiment d’être en danger réel en raison même de notre utilisation de tactiques sophistiquées. Chacun doit donc se rappeler que les animaux sont le plus dangereux lorsqu’ils sont acculés dans un coin et qu’ils sentent que leur fin est proche.
Conseils de sécurité supplémentaires : cartes, radios, pièces d’identité, noms, etc.
Bien qu’il soit important que chaque groupe d’affinité (voire chaque individu) possède une carte détaillée de la zone d’opération, il est absolument nécessaire que de telles cartes soient marquées uniquement à l’aide de codes. Lors de l’action R2K à Philadelphie, au moins deux membres du Black Bloc ont été arrêtés lors d’un raid préventif de la police mené environ quarante-cinq minutes après la réunion du Black Bloc (à laquelle ils étaient présents) et une heure et demie avant la manifestation elle-même. Les policiers trouvèrent sur eux des cartes du centre-ville sur lesquelles étaient indiqués au stylo des lieux de replis d’urgence pour le Black Bloc ainsi que des endroits où le Bloc prévoyait concentrer ses actions, marcher pour récupérer du matériel en vue de construire des barricades, etc.
Ces cartes n’étant pas codées, la police a pu obtenir un avantage puisqu’elle connaissait les déplacements prévus par le Bloc avant même qu’ils ne surviennent. Il est impossible de savoir avec exactitude l’impact de cette fuite d’information sur le déroulement des événements des journées d’action (tout comme il est impossible de savoir si la police ne possédait pas déjà ces informations grâce à des informateurs ayant infiltrés la réunion, comme certains l’ont prétendu). Il n’en reste pas moins que cet événement représente une erreur importante en matière de sécurité. Il est donc absolument nécessaire qu’à partir de maintenant toutes les indications sur les cartes soient codées de façon à éviter que ne se reproduise une telle catastrophe.
De plus, toutes les communications radios devraient s’effectuer sur des fréquences décidées à l’avance. En d’autres mots, les fréquences de communication devraient changer continuellement selon des intervalles prévus d’avance de façon à limiter la capacité des forces de l’État d’espionner nos communications. Toute l’information concernant ces fréquences et ces changements de fréquence à intervalles prédéterminés devraient être connue de tous les groupes qui ont un intérêt légitime à vouloir maintenir une communication radio avec nous.
Il devrait également aller de soi que personne ne porte sur soit à aucun moment quelques formes de pièces d’identité que ce soit, y compris son adresse domiciliaire ou son numéro de téléphone. Si vous êtes arrêté en possession de telles informations, cela servira uniquement à vous emmerder.
Enfin, lorsque vous êtes dans la zone de l’action, vous ne devez pas parler de vous même ni de ceux que vous connaissez en utilisant vos vrais noms au complet. Le moins nous rendons public nos identités réelles, le mieux nous nous porterons en ce qui a trait aux actions légales éventuelles et au harcèlement de l’État.
Communiqués
Il est important que toutes les actions d’un Black Bloc soient suivies d’un communiqué explicatif qui sera composé, dans la mesure du possible, par un large comité représentatif composé de volontaires des divers groupes d’affinité. Ce communiqué devrait parler des actions en expliquant pourquoi elles ont eu lieu, pourquoi des tactiques et des modes de combat spécifiques ont été développés, et en quoi cette lutte particulière est liée à la marche du mouvement anarchiste dans son ensemble vers un monde libre et créateur.
Pour organiser ceci, une réunion suivant l’action devrait se tenir dans un lieu sécuritaire. Le lieu et le moment d’une telle réunion devraient être prévus avant l’action lors de la réunion des officiers élus-porte-parole (après que toutes les autres questions aient été débattues) ou encore lors de l’assemblée générale de tout le Black Bloc (une fois encore après que toutes les questions aient été débattues).
De tels communiqués sont importants pour atteindre le grand public mais aussi pour contrer la tentative de diabolisation de nos actions de la part de la presse capitaliste (et bien souvent aussi de la part de la presse social-démocrate et communiste orthodoxe).
Il est également important de prévoir, en plus de ce communiqué émis après l’action, un communiqué rédigé au préalable et distribué durant l’action. Là encore, on devrait préciser la raison pour laquelle nous prenons les (nos) rues et il faudrait indiquer les problèmes sociaux globaux qui nous poussent à agir ainsi. La responsabilité de la production et de la distribution de ce communiqué devrait être prise en charge par les différents groupes d’affinité. De même, les GA et/ou le personnel de soutien devraient prendre la responsabilité de distribuer ces communiqués au public et aux médias indépendants de gauche durant l’action. Tous ces communiqués devraient être signés du nom du groupe d’affinité ou de l’individu qui en est l’auteur de façon à souligner leur responsabilité. Toute déclaration anonyme devrait être considérée comme émanant de l’État dans le but de nous discréditer.
Principes anarchistes de commandement tactique
L’idée de mettre sur piedunechaîne de commandement démocratique ne vise pas à diminuer la spontanéité du Bloc, mais simplement à en accroître la mobilité générale et la capacité de combat lorsque la situation l’exige.
Les fonctions principales du noyau de facilitation tactique (n-tac) consisteront uniquement à guider le mouvement du Bloc et à appeler les forces de réserve à se déployer. En ce qui concerne la première fonction, elle devrait limiter les débats qui entraînent despertesdetemps regrettables lorsqu’il s’agit de décider à chaque intersection de la direction à prendre. Nous nous porterons d’autant mieux que nous parviendrons à éviter toute hésitation qui nous fait perdre un temps précieux et qui risque de mettre tout le Bloc en danger d’être encerclé et immobilisé par la police. Considérant la supériorité des forces de l’État en terme d’armement, être immobilisé signifie être vaincu. C’est ce qui est survenu le lundi lors de la manifestation du 16 avril (Washington, D.C.), lorsque la queue du Bloc, alors plus ou moins dissoute dans une masse de manifestants qui n’étaient pas du Bloc, a été coupée du corps du Bloc par la police et arrêtée.
Quant à la fonction relative au déploiement des troupes de réserve, elle peut faire la différence entre une victoire immédiate ou une défaite. Il est donc important que cette fonction soit attribuée au noyau élu de facilitation tactique pour se prémunir contre des agents provocateurs qui pourraient manipuler les forces de réserve, mais aussi pour éviter de perdre du temps en débats tactiques rendus inutiles par le choc d’un conflit direct.
Le modèle d’organisation proposé ici devrait permettre à un Black Bloc relativement petit (sans réserve) d’environ deux cents participants d’être deux fois plus efficace qu’il ne le serait considérant nos capacités actuelles. De même, un Bloc plus important d’environ 700 participants, disposant d’une force de réserve de 300 individus, verra sa capacité tactique accrue de façon importante.
Entraînement physique entre les actions
Il est de la plus haute importance que nous augmentions nos capacités physiques entre les actions grâce à des entraînements réguliers, des exercices de musculation et d’autodéfense. Pour l’instant, le Black Bloc est particulièrement faible à ces différents niveaux. C’est problématique au point où des individus musclés sont parfois soupçonnés d’être des agents infiltrateurs de la police. En fait, puisque nous serons amenés à nous défendre contre les forces de l’État, nous devrions prendre notre conditionnement physique à tout le moins aussi au sérieux que notre ennemi, et encore plus sérieusement que lui si possible. Les forces réactionnaires de la police et de l’armée sont conscientes de l’importance de la force physique pour leur propre efficacité. Nous devrions l’être tout autant.
Actions préventives
Les forces de l’État sont bien connues pour mener des actions préventives contre des manifestants avant leurs actions. Ils nous infiltrent régulièrement et procèdent à des arrestations avant même que les manifestations et les actions de désobéissance civiles ne débutent [9]. Les jours de manifestation, leur mobilisation tactique commence bien avant le lever du soleil. De façon à contrer cet avantage, des groupes restreints de participants aux actions du Black Bloc devraient lancer des actions indépendamment, l’action la plus efficace étant le sabotage d’équipement de la police - ou de la Garde nationale si nécessaire. Si l’un des principaux avantages des forces de l’État réside dans leur mobilité mécanisée, nous devrions conséquemment frapper leurs moyens de transport par des actions clandestines.
De telles actions devraient être coordonnées volontairement par des groupes d’affinité séparés. Ces groupes devraient être en petit nombre par rapport à l’ensemble du Bloc, et ne devraient pas prendre part aux actions du Bloc dans les événements des jours suivants. De plus, l’identité et l’objectif de ces groupes devraient rester absolument secrets pour le Bloc dans son ensemble. Il ne peut y avoir de chaîne de commandement entre ces groupes et le reste du Bloc. Ils doivent agir totalement seuls, de façon volontaire, et selon des modèles d’organisation qu’ils choisiront en autant qu’ils respectent les principes anarchistes.
Une telle action clandestine, effectuée de façon efficace, a la possibilité de perturber considérablement les capacités de l’ennemi et peut donc donner un avantage appréciable au Black Bloc.
Préparations en vue d’une intensification de la répression de l’État
Plus notre mouvement sera fort, plus grands seront les risques que l’État criminalise l’anarchisme en général et le Black Bloc en particulier. En ce moment même, nous devons prendre pour acquis que le FBI a déjà constitué des dossiers pour nombre d’entre nous. Nous devons également prendre pour acquis que plusieurs de nos organisations et collectifs anarchistes locaux sont déjà sous surveillance et que des infiltrateurs travaillent présentement à s’immiscer dans nos rangs. Dans certains cas, nous n’avons aucun doute qu’ils y sont déjà parvenus [10].
De plus, nous devons nous attendre à une réaction de plus en plus violente de l’État à notre égard au fur et à mesure que notre mouvement passera à des étapes plus sérieuses. C’est ce qui est arrivé très clairement vers la fin des années 1960 et nous devons bien comprendre que c’est ce qui arrivera à nouveau. Cette tendance se manifeste déjà clairement. Le tir sur trois manifestants à Göteborg et le meurtre de Carlo à Gênes en constituent des preuves irréfutables.
En tant que révolutionnaires dévoués et dotés d’un sens pratique, nous devons nous préparer à toutes ces éventualités. Ceci n’est pas un jeu. Nous devons donc former des réseaux clandestins qui devraient nous permettre de continuer à exister en tant que force de combat clandestine lorsque les circonstances l’exigeront. Une telle force clandestine doit disposer, entre autres, d’identités d’emprunt, de lieux de retraite de confiance, d’amis placés dans des positions stratégiques, d’accès à du matériel de première nécessité (ex. nourriture, médicaments, etc.). Enfin, cette force doit savoir comment continuer nos activités militantes de façon clandestine.
La réalité est simple : nous devrons être prêts à faire face au défi de l’État par d’autres moyens militants, concrets mais cette fois clandestins lorsque nos actions que nous menons au grand jour s’attireront pour seule réponse les coups de fusil de la police, la mise en détention massive et à long terme de nos militants, ou encore lorsque nos actions ne seront rien de plus qu’une comédie socialement acceptable intégrée au spectacle universel.
De plus, il doit être bien compris que le temps manque pour organiser les ressources nécessaires lorsque surgissent des situations de crise extrême du type de celle qui nous forcerait à passer dans la clandestinité. De même, il sera impensable d’organiser une force de combat populaire d’envergure lorsque surviendra le grand effondrement du système dominant présent. Nous devons donc nous préparer maintenant pour ce que nous reconnaissons comme une conséquence inéluctable de nos actions révolutionnaires. Alors, nous devrons attaquer la tête du Leviathan et nous l’attaquerons à partir de l’ombre, puis à nouveau au grand jour et face-à-face : la révolution sociale est la seule conséquence possible.
Ici, nous aimerions vous rappeler que les armes à feu sont encore légales - c’est du moins ce que dit les textes de loi - et qu’il est facile de s’en procurer aux États-Unis.
Le développement de notre compréhension sociale et politique
Entre deux actions, nous devons pratiquer une autodiscipline en ce qui a trait à nos études soutenues des idées sociales et politiques, tant d’un point de vue pratique que théorique. Le mouvement anarchiste est poussé par « l’instinct de se rebeller », comme le disait Bakounine, mais également par l’émergence consciente d’un peuple révolutionnaire. Les individus qui forment le Black Bloc devraient être des exemples non pas seulement du courage anarchiste dans la lutte, mais aussi de l’éveil de la conscience anarchiste. Nous devrions étudier l’histoire de la Commune de Paris, de l’Ukraine révolutionnaire, de Cronsdat, de l’Espagne ainsi que de la révolte de mai 1968 à Paris. De plus, nous devrions lire les écrits de Bakounine, Kropotkine, Makhno, Emma Goldman, Meltzer, Guy Debord et Bookchin, pour n’en nommer que quelques-uns.
Bref, nous devons élargir nos connaissances de façon à transcender complètement l’endoctrinement oppressif que l’État perpétue à notre endroit depuis le jour de notre naissance. Nous devons exercer notre capacité à comprendre, de manière à développer notre conscience créatrice. Enfin, nous devons tendre à développer plus à fond une théorie anarchiste qui soit directement utile pour analyser et réagir aux modalités du néocapitalisme contemporain, c’est-à-dire la marchandisation radicale et le consommateurisme.
Conclusion
En conclusion, ce communiqué est proposé avec l’intention d’encourager le développement constructif de nos capacités révolutionnaires. Il n’est pas pensé comme une règle à suivre mais bien plutôt comme une proposition qui devrait faciliter un dialogue positif à l’intérieur du mouvement. Ceci dit, nous espérons qu’au moins quelques suggestions présentées seront sérieusement discutées puis adoptées par nos camarades anarchistes du Black Bloc.
Nous vous encourageons à reproduire et à distribuer ce communiqué, en autant que vous ne le faites pas dans le but d’en tirer un profit capitaliste.
En toute solidarité,
LADY, AUGUST SPIES, MUFFIN D’ANTI-RACIST ACTION ET DAVID O, (O VAN), X, NATASHA DU COLLECTIF ANARCHISTE DE GREEN MOUTAIN.
appel pour un black bloc au sommet des amériques
Lors d’une réunion du G20 à Montréal à l’automne 2000, quelques centaines de citoyens se réunissent dans le centre-ville pour dénoncer la mondialisation capitaliste. Un petit Black Bloc intervient alors de façon un peu malhabile : ses membres lancent en direction des policiers des projectiles dont certains tombent sur d’autres manifestants... Le Black Bloc se dissout aussitôt, laissant des manifestants seuls aux prises avec les policiers qui chargent alors à cheval...
Le Black Bloc avait auparavant distribué un appel à former des Black Blocs lors du Sommet des Amériques, qui se tiendra à Québec en avril 2001, et où 34 chefs d’État des Amériques (le Cubain Fidel Castro étant le seul exclu) devaient discuter à huis clos d’une éventuelle zone de libre-échange économique. Cet appel, qui sera également diffusé sur Internet, est révélateur à plus d’un égard. Premièrement, il montre bien qu’il n’y a pas un Black Bloc, mais plusieurs Black Blocs qui se forment à l’occasion d’événements spécifiques et qui restent tous indépendants les uns des autres. Deuxièmement, ce texte au style brouillon met en relief le jugement que les membres de ce Black Bloc portent sur le monde économique et politique qui les entoure. Le ton, très critique, dépeint un monde où la lutte est la seule issue. Au Sommet de Québec, en avril 2001, il y aura effectivement des Black Blocs, mais aussi une grande diversité de groupes d’affinité qui s’en prendront au périmètre de sécurité, aux policiers et à quelques succursalles de banque.
(FDD)
APPEL POUR UN BLACK BLOC POUR LE SOMMET DES AMERIQUES [11]
Les grands de ce monde ont encore décidé de se partager les richesses, notre travail et d’imposer des nouvelles conditions de vie, celles-ci encore plus minables qu’elles ne l’étaient. Les coupures dans les programmes sociaux des dernières années n’étaient que la pointe de l’iceberg ; l’ouverture des marchés sera la seconde phase de ce qui se nomme aujourd’hui néolibéralisme, de ce qu’on appelle quelques fois mondialisation.
L’appel du Black Bloc est un appel à la résistance, à la révolte. Tenons-nous debout face à la menace capitaliste. Agissons, répliquons. Le temps où nous subissions sans pouvoir agir est révolu. Le Sommet des Amériques voudra vendre au plus offrant la population entière d’un continent, la solder à rabais pour les capitalistes de ce monde. Nous serons là, dans la rue, à nous battre pour ce que nous considérons comme nos droits. Nous sommes le Black Bloc, nous serons le Black Bloc à Québec.
Contre le fonctionnement autoritaire et élitiste des Sommets bourgeois, nous sommes la base qui résiste. Formons nos groupes d’affinité, préparons-nous, il n’y a pas une minute à perdre. Résister, c’est exister de nouveau, ailleurs, dans une nouvelle vie, celle que nous avons choisie de créer, pas celle imposée par d’autres, par le haut, par les exploiteurs et les affameurs de ce monde.
L’Amérique est grande, diversifiée, pleine de belles choses et de gens. Le capitalisme veut en faire un vulgaire terrain de chasse au profit, à l’argent. Partout, au Nord comme au Sud, nous savons que mondialisation rime avec destruction. Qu’il s’installe dans notre voisinage une nouvelle usine, et voilà qu’apparaît la pollution, que toute la région devient dépendante de cette grande entreprise, du capitalisme triomphant, d’une seule personne : le patron. Il y a des milliers d’exemples de destruction d’une économie locale, lorsque les grandes corporations viennent s’y installer ; c’est ce qu’on appelle le néolibéralisme.
Mais nous ne voulons pas revenir en arrière. Il est trop tard. La vieille économie, locale et marchande, n’est pas meilleure que la nouvelle économie mondialisée ; elle est simplement d’une autre échelle. Ce qui diffère, c’est que le capitalisme des années 2000 n’est plus réformable. Le retour à l’État providence est impossible. Nous n’avons que deux choix : l’accepter et se résigner, ou le combattre, d’une lutte acharnée mais qui ne pourra qu’être victorieuse si seulement elle s’étend dans la population.
Pour y arriver, nous jouons un rôle important. En tant que Black Bloc, nous incarnons une présence révolutionnaire, nous présentons une alternative pour lutter. L’exemple répété de la résistance et du combat ne peut être que bénéfique. Nous montrons ainsi qu’il n’est pas impossible de vouloir autre chose et que le capitalisme n’est pas éternel, pas plus que l’État ou le patriarcat, que nous combattons de toutes parts.
Voilà pourquoi nous nous organisons aujourd’hui. Nous avons décidé d’appeler à la formation d’un Black Bloc lors de la conférence qui signera [12] les accords de la ZLÉA, accords que nous savons être néfastes. La conférence des Amériques de Québec 2001 sera notre prochain terrain de lutte. Nous nous plaçons dans la même perspective que certaines actions récentes telles que Seattle, Washington, Prague - pour n’en nommer que quelques-unes. Nous ne nous considérons pas comme les dirigeants du mouvement, nous ne faisons que vous proposer de vous organiser aussi. Il ne tient qu’à chacun et chacune de nous de se regrouper de façon autonome, affinitaire, tout en restant unis sur le terrain. C’est l’essence même du Black Bloc.
Formons nos groupes d’affinité.
Oui à l’organisation autonome.
Formons nos Black-Blocs.
NOTES :
[2] SOURCE : DAVID & X (DU GREEN MOUNTAIN ANARCHIST COLLECTIVE) (DIRS.), THE BLACK BLOCS PAPERS, BALTIMORE, BLACK CLOVER PRESS, 2002 (CONTACT : GREENCOLLECTIVE@CHEK.COM). TRADUCTION DE FRANCIS DUPUIS-DERI ET THOMAS DERI. CE TEXTE EST LIBRE DE DROITS.
[3] La première version date de décembre 2000. Elle est signée par le Collectif Anarchiste de Green Mountain, David O. (O Van), X, J.M, Natasha « quelque part dans les Green Mountains ». Elle circulait sous forme de brochure, sans mention d’éditeur. On pouvait notamment l’obtenir en septembre 2001 chez Bound Together Bookstore-An Anarchist Collective : 1369 Haight, San Francisco).
[4] ARA : Anti-Racist Action ; G-MAC : Green Mountains Anarchist Collective (note de FDD).
[5] Le texte est écrit en décembre 2000 (note de FDD).
[6] Le 16 avril 2000, manifestation à Washington D.C. contre le Fonds monétaire international et la Banque mondiale (note de FDD).
[7] Manifestations de Gênes contre le G8 en juillet 2002.
[8] Manifestations à Québec contre le Sommet des Amériques en avril 2001.
[9] Dans le cas du Sommet de Québec en avril 2001, le groupe Germinal avait été infiltré plusieurs mois à l’avance par deux agents de la Gendarmerie royale du Canada et des membres du groupes en route pour Québec en provenance de Montréal ont été arrêtés au volant de leur voiture deux jour avant le début du Sommet. Les agents provocateurs avaient fournis aux militants du matériel de l’armée canadienne - grenades à concussion et grenades fumigènes - que les policiers saisirent dans la voiture appréhendée (note de FDD).
[10] Au Canada, la Gendarmerie royale du Canada (GRC), le Service canadien de renseignement de sécurité (SCRS) et l’unité de surveillance de l’armée gardent à l’œil les organisations associées de près ou de loin au mouvement d’opposition à la mondialisation du libéralisme. La GRC a ainsi mis sur pied en mai 2001 un Programme d’ordre public qui a pour fonction d’échanger des renseignements avec d’autres corps policiers (et de tester des armes « nonmortelles », tel le poivre de Cayenne, les gaz lacrymogènes, les balles de plastique, etc.). Parmi les groupes sous observation, on retrouve : Amnistie Internationale, Greenpeace, l’Église anglicane et les Raging Grannies, une chorale de vieilles dames qui se joignent aux manifestations pour scander des chansons dénonçant les injustices sociales (Le Devoir, 20 et 21 août 2001). On ne s’étonnera donc pas si d’éventuels participants aux Black Blocs soient sous surveillance... D’ailleurs, lors du procès des membres du groupe Germinal épinglés avant le Sommet de Québec en avril 2001, le procureur de la Couronne a fait témoigner deux agents de la GRC qui avaient infiltré le groupe. En Europe, au début de 2002, le groupe de travail « terrorisme » du Conseil de l’union européenne a associé au « terrorisme » certains actes commis lors des manifestations d’opposition à la mondialisation du libéralisme, sous prétexte qu’elles « terrorisent » la population (no. doc. 5712/1/02-Enfopol 18) (note de FDD).
[11] SOURCE : AGENCE ELECTRONIQUE D’INFORMATION ANARCHISTE A-INFOS : WWW.AINFOS.CA (29 OCTOBRE 2000). CE TEXTE EST LIBRE DE DROITS.
[12] Il s’agissait plutôt de négociations en vue d’une signature en 2005 (note de FDD).
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